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"Besoin d'être sauvés"
Extrait de Alors, le Bon Dieu, c'est fini?

Martial : C'est Jésus, votre guérisseur ?

Pierre: Tout juste. Et il a quelque chose pour les trois formes du mal : la Résurrection pour le mal physique, la Rédemption pour le mal moral, et l'Incarnation pour le mal métaphysique.

mots-clés: Jésus-Christ, Amour, Foi, Salut

   PIERRE - Nous sommes perdus de trois manières : mal physique, mal moral, mal métaphysique. Le mal physique est la souffrance, le mal moral est la faute, le mal métaphysique est la finitude.

   On peut effacer bien des souffrances, retarder la mort. Tenez, supposez que la souffrance et la mort soient un jour rayées de la carte (c’est pas demain la veille, mais pourquoi pas ? Supposez…)

   Il resterait que les souffrances qui ont eu lieu sont ineffaçables. Que de souffrances, et quelles souffrances ! Celles qui n’ont jamais été sues de personne, et celles qu’on a fait semblant de savoir. Car on fait semblant. Michaux, au chevet de sa mère : « Nous lui dîmes – mensonge vraiment absurde ! – que nous comprenions bien. » (Or, souffrir, c’est n’être pas compris. Une souffrance qui serait connue toute entière, “comprise” toute entière, serait-elle encore une souffrance, ou, déjà, du pur amour?)

   Ne rêvons pas, la souffrance est partout, vieille, à venir, insinuée. Vallée de larmes, voilà le monde.

   Quant aux péchés, c’est pire : nous ne pouvons les enlever à personne. Celui qui fait le mal le fait absolument ; et sa victime (si la victime est visible) lui pardonnerait-elle du fond du cœur, que le coupable ne serait pas encore pardonné. Quand je fais le mal, c’est entre moi et moi que ça se passe. Il faudrait, pour effacer ma faute, quelqu’un qui vienne entre moi et moi. Il n’y a pas beaucoup de place.    Qui serait assez délié pour me délier moi-même ?

   Que murmurez-vous pendant que je parle ? Que vous ne croyez pas au péché ? Si, si, vous y croyez ! Et à la liberté du même coup.

​

(…)
 

   MARTIAL - Bon. Physiquement je souffre, moralement je suis coupable, l’un et l’autre sans remède. Y a autre chose ?

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   PIERRE - Y a vous.

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   MARTIAL - Justement, c’est quoi, moi ? Enfin, ce qu’il en reste…

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   PIERRE - Vous, vous êtes le troisième mal, la finitude.

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   MARTIAL - Je n’ai pas un nom plus joli ?

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   PIERRE - Si, j’en suis sûr. Mais s’il n’y a pas eu de Dieu personnel pour vous le donner, vous n’en méritez pas d’autre. Je veux dire que le Tout vous absorbe dans sa perfection, comme une petite façon d’être de sa grandeur. Ce que le triangle est par rapport à l’espace, c’est ce que vous êtes par rapport à l’Être : une façon de le borner. Une finitude, parmi des infinités de finitudes. Mais au fond, rien, parce que le fond, c’est toujours et seulement Lui.

   Les philosophes appellent cela le panthéisme.

   Ou bien vous êtes la même finitude, mais sans le Tout, seulement avec la foule. Vous (et toi, mon amour) : un agrégat de corpuscules que le hasard a réunis pour quelque temps, parmi d’autres agrégats, aussi nombreux qu’on le voudra dans l’infinité possible des agrégats de corpuscules. Car l’être, si l’on ose encore employer le mot, c’est l’ensemble des petits bouts dont le mélange aléatoire forme des bouts un peu plus gros. Mais dans le fond, il n’y a que du nombre. L’être tient par le bas et par le nombre. Il ne veut rien dire.

   Les philosophes appellent cela le matérialisme.

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   MARTIAL - C’est drôle, ces bouts qui n’ont ni queue ni tête. Il me semble que je préfère le panthéisme.

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   PIERRE - Ne vous gênez pas, c’est la mode. Le prêt-à-penser se porte 'à l’orientale', depuis quelque temps.


(…)
 

   MARTIAL - C’est Jésus, votre guérisseur ?

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   PIERRE - Tout juste. Et il a quelque chose pour les trois formes du mal : la Résurrection pour le mal physique, la Rédemption pour le mal moral, et l’Incarnation pour le mal métaphysique.

   Vous voyez qu’il n’est pas venu pour rien !

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   MARTIAL - Ça fait camelot, votre pharmacopée.

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   PIERRE - Il faut bien vous faire sourire par la présentation. Mais c’est très sérieux, vous allez voir !

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