Hommage à Pierre Gardeil
Témoignage de Patrice Maillot
ancien directeur de l'école Saint-Joseph de Cluny à Saint-Louis
(dpt de La Réunion)
Pierre Gardeil est mort, c’est l’être humain le plus intelligent que j’ai eu à côtoyer, le plus cultivé, le plus agenais… Mais c’est à Pierran et à Jacques que je pense d’abord, mes premiers amis lectourois et toulousains puis à tout le clan Gardeil que j’ai encore plus découvert dans « Le Feu sans lieu », puis à l’équipe des profs de Saint-Jean, ses disciples désormais orphelins ; oui, comme tous le disent aussi, il était plus que charismatique : un père, un guide, un prêtre… quelle présence dans cette famille à fort caractère (dont François, son frère, était le plus saint), dans ce Saint-Jean pétri de son emprise spirituelle, dans ce salon de musique qui croulait sous les chefs‑d’œuvre, où la succulence de ses propos « défiait le sophi » à chaque lecture, putain quelle santé ce type !!
Il nous aurait emmené au paradis si nous ne l’avions fui tous un par un, sauf Michel Serres et René Girard avec qui il supportait de converser. Mais c’était plus que ça, c’était un morceau de Bon Dieu, du moins l’ai-je toujours perçu comme tel, moi le non-travailleur immigré… un de ces Pierre sur lequel on bâtit des églises…
Parce que faire aimer la sagesse à des terminales D, ça même Hercule y avait renoncé, mais sa voix de ténor réveillait des pulsions au tréfond de nos âmes : il y croyait plus que nous ! Bâtir, toujours éduquer, évangéliser, enseigner, apprendre et faire aimer le beau, les mythes, le fatum, le Te Deum, qui s’en est déjà débarrassé, qui a oublié ? Il me souvient d’une « soirée perdue » : je cite : « J’étais seul l’autre soir au Théâtre Français… » ou de la chanson de Barberine, quelle pureté ! Alors quand il fallut chanter la Missa Brevis de Mozart ou le De Profundis de Delalande, la cathédrale de Lectoure était trop petite comme pour son dernier hommage…
J’ai eu la chance de le voir en mai dernier pour la dernière fois et il savait… et n’ayant peur de rien comme les premiers chrétiens, il m’avait demandé dans le désordre : tu pries ? est-ce qu’on vous a fait chier à Saint-Jean ? Agen se maintiendra-t-il dans le Top 14 ? Toujours optimiste, j’avais répondu oui aux trois questions mais en argumentant…
Il a fini par m’écrire par mèl qu’il m’aimait ! Mais ça, je le savais depuis très longtemps…
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